5 artistes à ne pas louper lors d'une visite au Danemark

L'article est également disponible au format audio, si vous préférez m'entendre, plutôt que de me lire :) ⤵️

‍

Il faut admettre que les artistes Danois ne sont guère connus en dehors du Danemark. Ce petit top 5 essaie de remettre les pendules à l'heure, car oui il y a des artistes au Danemark, ils méritent d'être mis en avant, et leurs oeuvres peuvent facilement se visiter lors d'un court séjour sur place. Travaillant depuis des années avec les musées où ils sont exposés, je connais fort bien leur oeuvre et saurai préparer une belle visite avec vous :)

Christoffer Wilhelm Eckersberg (1783-1853) : Un incontournable de l'Âge d'or Danois

Ce peintre du début du 19ème siècle est décisif pour comprendre la peinture danoise. Comme tout étudiant terminant ses études à l'Académie royale des beaux-arts à Copenhague, il traverse l'Europe grâce à une bourse. Voyage qui l’emmènera à Paris où il prendra des cours chez Jean-Louis David.

En revenant à Copenhague en 1817, il devient directeur de l'Académie où il étudia par le passé. Il sera le maître d'œuvre d'une transformation radicale dans l'enseignement des arts au Danemark. Il exigera de ses élèves d'aller sur le motif, et l'utilisation de modèles vivants pour l'apprentissage de l'anatomie sera implémentée. Une première pour l'époque !

Il est aussi le précurseur de l'Âge d'or Danois, une période certes difficile pour le Danemark après les guerres Napoléoniennes. Pour la culture c'est par contre une période flamboyante aussi bien pour les arts, la littérature avec H.C. Andersen et Søren Kirkegård que pour le théâtre et la musique. Il meurt en 1853 des suites de l'épidémie de choléra. C'est également traditionnellement la clôture de l'âge d'or, même si les historiens d'arts ont essayé de prolonger cette période jusqu'en 1864 - date des guerres avec la Prusse. Il peindra surtout des portraits, souvent sur commande car les gages de directeur n'étaient guère importants, des paysages et des marines.

Il est représenté dans les collections suivantes à Copenhague : Statens Museum for Kunst (SMK), Den Hirschsprungske Samling, Carlsberg Glyptoteket.

Le petit musée — Den Hirschsprungske Samling — est consacré aux arts Danois au 19ème siècle et mérite une visite. Il peut se faire en deux petites heures. Par contre pas de café ni de restaurant dans ce musée, ce qui est rare pour un musée au Danemark. Une visite avec un guide (c'est mon métier !) permet de percevoir plus rapidement et en profondeur la richesse non seulement de ce musée mais aussi de la période. Une période primordiale pour comprendre le Danemark aujourd'hui.

Anna Ancher (1859-1935) : L'une des premières artistes femme reconnue de son vivant

Née à Skagen, la ville située le plus au nord du Jutland (Jylland), Anna Ancher montre très jeune un certain talent pour la peinture. Ses parents possédant un hôtel renommé : le Brøndum Hotel, elle y rencontre un jeune peintre : Michael Anker. Elle l'épousera le jour de son 21ème anniversaire.

Ce sera le début d'une relation amoureuse et d'une collaboration artistique unique pour l'époque. Pourquoi ? L'épouse est plus douée que l'époux mais sans rancœur de la part de ce dernier. Ils iront à Paris où elle s'intéressera à l'art contemporain, le post-impressionnisme est le nouvel isme. Un regard sur son œuvre montrera qu'elle ira de plus en plus vers la simplification du motif, pour ce concentrer sur le plus difficile. Comment peindre la réflection de la lumière sur le motif ? Elle est une des rares artistes femmes du 19/début 20eme siècle à être reconnue de son vivant. Sa maison et son atelier à Skagen sont aujourd hui un musée. Une belle visite loin de Copenhague à faire.

Elle est exposée à Copenhague au Statens Museum for Kunst (SMK), et den Hirschsprungske Samling.

Statens Museum for Kunst - dites SMK - est le musée des Beaux-arts à Copenhague. De belles collections qui demandent du temps pour en voir la totalité. On peut par exemple se contenter de voir “la collection danoise", qui est consacrée aux arts Danois. Ce musée n'est pas très loin de Hirschsprungske Samling. Parfait pour une journée musées, le café est fort agréable. Il y a un parc aux alentours.

Maja Lisa Engelhardt (1956-) : le paysage prend une dimension sacrée

Cette peintre danoise a fait ses débuts dans le lieu d'exposition Nikolaj à Copenhague au début des années 80. Elle peint surtout des paysages et des scènes religieuses - étant croyante, elle est fort populaire pour la décoration des églises au Danemark. Son style devient sa signature ; entre le figuratif et l'abstrait. Elle utilise des compositions classiques, premier plan, plan central et arrière plan, créant ainsi un espace tridimensionnel et reconnaissable pour le spectateur.

Sa méthode de travail est assez particulière car elle travaille avec des toiles de grands formats. Elle les tourne au fur et à mesure que les différentes couches de couleur sont appliquées par ses pinceaux, faits de grandes lanieres. Un processus énergique et exigeant. Le tout en acrylique.

Elle s'inspire beaucoup des paysages Danois, vallonnés dont la lumière diffuse et transversale donne une atmosphère épurée et cependant intense. Elle peint souvent par série, et s'inspire aussi de la mythologie nordique, mettant en place la création du monde entre glace et vulcan.

On trouve principalement ses toiles au Statens Museum for Kunst (SMK).

Bjørn Nørgaard (1947-) : L'enfant terrible des arts est aussi fournisseur de la royauté !

Sculpteur, graphiste et performiste, il est l'enfant terrible du monde artistique au Danemark avec une carrière exceptionnelle. Formé à Eks-Skolen, une école artistique progressiste, il est professeur à l'Académie royale des beaux-arts du Danemark de 1985 à 1994 et surtout l'un des peintres et artistes préférés de la reine actuelle. Il est l'auteur du sarcophage qui accueillera la dépouille de la régente à la cathédrale de Roskilde, qui est le Saint Denis Danois. Là reposent les souverains danois depuis près de 600 ans.

Son œuvre la plus importante est aussi un tour de force. En 1990 pour les 50 ans de Margrethe II, on passera commande pour le renouvellement total de la décoration de la grande salle de banquet à Christiansborg dans les salons de représentations de la reine. Un projet qui prendra 10 ans et sera réalisé en France, aux Manufactures Nationales des Gobelins et de Beauvais. L'inauguration aura lieu le 16 Avril 2000 pour les 60 ans de la reine.

La salle est décorée de 17 tapisseries racontant 1100 ans de l'histoire du Danemark, de l'époque viking à l'an 2000. Rois, reines, et d'importantes personnalités foisonnent. Christiansborg se visite et les cartons se trouvent à KØS, dans la ville de Køge, au sud de Copenhague.

Bjørn Nørgård est très actif et son catalogue comporte de très nombreuses œuvres. Un certain nombre de ses sculptures sont en plein air, notamment une version moderne de la petite Sirène, la petite sirène génétiquement modifiée de 2000. Elle est placée à 200 mètres de l'originale, créée par le sculpteur Danois Edward Eriksen en 1913. Une bonne idée pour une balade traversant la ville de part en part. Sur le trajet il y a de nombreuses possibilités pour prendre des pauses.

Kathrine Ærteberg (1969-) : Quand le hygge devient le non-hygge !

Kathrine Ærtebjerg est la plus jeune des peintres présentés dans ce top 5. Elle a une place toute particulière dans les arts au Danemark. On retrouve dans ses peintures et lithographies des éléments qui tiennent plus au monde des contes de fées que celui du monde réel. On les trouvera peut-être un peu enfantins, un peu naïfs avec des couleurs fortes. Mais de plus près une autre dimension s'ouvre, moins naïve, moins enfantine, plus sinistre, plus réelle. Une dualité qui peut plaire ou déplaire. Ces peintures sont existentielles, elles cherchent la tension entre le réel et l'irréel. Le Danemark certes c est le pays du bonheur, de ce fameux Hygge dont l on parle si souvent, mais en ce qui concerne Kathrine, on dira « uhyggeligt « ou effrayant, angoissant et dérangeant.

Au lieu d'utiliser un pinceau, elle préfère travailler avec des chiffons mais aussi avec ses doigts. Ce qui peut étonner lorsque l'on regarde ses œuvres, car on pourrait penser que l'artiste travaille avec une technique bien différente. Ces oeuvres sont facilement reconnaissables. Comme celles de Maja Lisa Engelhardt.

On trouve ses oeuvres à Kastrupgård samlingen. Petite collection d'une grande qualité, elle se trouve au sud de la ville et pas très loin de la plage.

‍

En conclusion, C.W. Eckersberg, Anna Ancher, Bjørn Nørgaard, Maja Lisa Engelhardt et Kathrine Ærtebjerg sont à mon avis des artistes importants pour se faire une idée globale des artistes Danois du 19ème à nos jours. Montrant la qualité de leur formation, leur curiosité par rapport au monde qui les entoure et aussi leur capacité de montrer un monde intérieur, qui soit représentatif de la culture à laquelle ils appartiennent. A découvrir.